Belle réussite pour le Symposium Climwine2016 qui s’est tenu à Bordeaux du 10 au 13 avril dernier. 180 participants originaires d’une vingtaine de pays étaient réunis pour faire le point sur les effets du changement climatique sur la vigne et le vin et analyser les adaptations possibles dans les vignobles. Ce symposium était organisé par l’Inra, en collaboration avec l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin-Université de Bordeaux et Bordeaux Sciences Agro qui a accueilli la manifestation, et sous le patronage de l’OIV et de l’Association Européenne des Économistes du Vin.
 
De nombreux partenaires institutionnels, dont la Région Aquitaine-Limousin-Poitou Charentes et le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, ont contribué à la mise en œuvre de cette rencontre. Enfin des propriétés viticoles bordelaises, mais aussi des syndicats et des interprofessions d’autres régions viticoles, ont répondu présents pour mettre à disposition des congressistes le meilleur de leur production.
 
Les effets du changement climatique sur la vigne
Au cours du symposium, 46 communications orales et 60 sous forme d’affiches ont présenté un panorama de l’ensemble des enjeux du changement climatique auxquels devra faire face pour le milieu et la fin du XXIème siècle, la viticulture et la production de vin dans le Monde,. 
 
L’évolution attendue du climat et les impacts associés ne sont pas trop alarmants d’ici 2050, mais s’avèrent très préoccupants d’ici la fin du siècle si rien n’est fait, étant donné les quantités de gaz à effet de serre (CO2 en particulier) déjà rejetés dans l’atmosphère. Élévation des températures de l’air et modification du régime des pluies ont bien sûr été largement traitées, mais l’attention de l’audience a également été attirée sur la question de la température des sols et du vent qui peuvent avoir des conséquences majeures sur le fonctionnement du vignoble (minéralisation et évaporation de l’eau entre autres).
 
Des simulations du climat ont été présentées pour différentes régions du monde, et les différents orateurs ont fait ressortir l’importance de la connaissance du climat à l’échelle locale pour répondre aux enjeux de l’adaptation. La visite de terrain à St Emilion autour du réseau de capteurs de température maillant 12 500 ha et du projet européen Life-ADVICLIM a permis d’illustrer la variabilité locale des situations.
 
Les réponses de la vigne à l’augmentation de la température, du CO2 et aux modifications du régime hydrique et leurs conséquences sur les stades de développement, la croissance, l’utilisation de l’eau, la composition des raisins ont été abordées par de nombreuses communications. Les travaux présentés soulignent notamment que l’interaction entre plusieurs facteurs du climat peut complètement modifier les effets d’un seul paramètre. Il faut aussi s’intéresser aux effets pluriannuels souvent peu pris en compte dans les expérimentations.
 
Il ressort que si l’eau n’est pas limitante, 2 degrés supplémentaires pourraient s’avérer assez inoffensifs sur la capacité de la vigne à être cultivée. Les conséquences en matière de composition des raisins pourront être plus marquées. La mise au point de modèles du fonctionnement de la vigne prenant en compte ces différents aspects peut s’avérer déterminante pour simuler le comportement de la vigne et envisager des mesures d’adaptation. Il en est de même de la meilleure compréhension des déterminants génétiques de la réponse aux facteurs de l’environnement et de l’adaptation. Nous avons pu constater que les équipes françaises sont en pointe sur ce sujet, notamment en ce qui concerne l’adaptation à la sécheresse et la réponse à la température en matière de stades de développement et de composition des raisins. Le problème épineux des maladies n’a pas été oublié et plusieurs approches (enquêtes, modélisation, expérimentation) ont été présentées pour mieux appréhender ces questions dans le cadre du changement climatique.
 
Adapter les pratiques et techniques viticoles sur le long terme
Les enjeux en matière d’adaptation ont également été exposés, en couvrant un large éventail de techniques pouvant être mobilisées à la parcelle et à la cave. 
 
Il peut s’agir de revenir à des techniques anciennes de conduite du vignoble en sec en jouant sur la densité de plantation ou la conduite de la vigne, en jouant sur les rapports feuilles/fruits, la date de taille… 
 
Il peut s’agir aussi de mettre en œuvre des techniques œnologiques modernes dans les chais, une irrigation de précision, ou de profiter de la diversité existante au sein des cépages pour modifier l’encépagement en introduisant des cépages cultivés ailleurs ou créés par la recherche pour combiner résistance aux maladies fongiques et bonne adaptation au changement climatique. Mais aucune technique seule ne peut apporter de solution et c’est bien leur combinaisons, raisonnées notamment à l’échelle locale ou régionale, qui importent et vont être davantage étudiées par les chercheurs en partenariat avec les viticulteurs.
 
Mais l’adaptation n’est pas qu’une question technique. Les études de perception et de capacité d’adaptation des différents acteurs restituées lors du symposium ont fait ressortir que le changement climatique n’est pas forcément considéré comme un danger immédiat par les viticulteurs et qu’ils envisagent l’adaptation sur le long terme dans le cadre de pratiques et d’investissements qu’ils mettent en œuvre face à la variabilité interannuelle du climat, dont ils sont très conscients. Bien sûr ce constat peut varier d’une région à l’autre. Cette vision de l’adaptation ne suffira pas si les modifications du climat au-delà de 2050 sont telles que simulées par les climatologues. 
 
D’autant plus que les études d’économie expérimentale réalisées au niveau des consommateurs montrent que si des vins préfigurant les impacts du changement climatique (issus de raisins très mûrs) plaisent en premier lieu, ils ne séduisent plus le consommateur en consommation répétée. 
 
D’autres études réalisées auprès des consommateurs montrent que l’acceptation des innovations pour l’adaptation au changement climatique est bonne, mais varie selon les liens que le consommateur a construits avec le vin et avec l’environnement.
 
La conclusion majeure de ce symposium pourrait être qu’il s’avère déterminant de mieux prendre en compte la perception du changement climatique par tous les acteurs de la filière pour s’adapter aux enjeux futurs. Ainsi, les réseaux qui lient professionnels, enseignement, recherche-développement et recherche sont un élément majeur de la capacité d’adaptation des vignobles. 
 
Le travail de prospective conduit en France par les chercheurs du projet Laccave (Inra), France AgriMer, l’INAO et Montpellier SupAgro, a abouti à la définition de 4 chemins d’adaptation : conservateur, innovant, nomade et libéral. Ces chemins conduisent à 4 « avenirs » potentiels pour la filière, présentés lors de ce symposium, et qui vont constituer maintenant un élément majeur pour réfléchir avec les professionnels de chaque région viticole. Ceux-ci vont devoir élaborer des stratégies collectives d’adaptation en fonction de leurs spécificités locales. Les retours sont unanimement positifs sur l’intérêt d’une telle rencontre internationale pour avancer ensemble sur le sujet. Une seconde édition est envisagée.
 
Les présentations orales peuvent être téléchargées sur ce site : https://www6.inra.fr/laccave/ClimWine2016