Les approches de séquençage haut débit, couplées à des analyses bioinformatiques, ont révolutionné la capacité à détecter et caractériser les virus présents dans un échantillon biologique. Appliquées à la vigne, ou à des champignons qui l’infectent, ces méthodes révèlent progressivement des pans entiers du virome de cette espèce végétale emblématique. Ainsi, les chercheurs sont en mesure d’identifier de nouveaux virus ou de découvrir et valider la présence en France de virus récemment décrits par la communauté scientifique.
Parmi les agents pathogènes des plantes, qui comprennent aussi des bactéries ou des champignons, les virus, qui contribuent à près de 50% des maladies émergentes, sont encore très incomplètement connus. Leur impact important impose de développer une meilleure compréhension de leur diversité, de leur distribution et de leur prévalence, tant dans les espèces cultivées que dans les milieux naturels. Les mycovirus qui infectent les champignons sont encore plus mal connus, malgré le potentiel qu’ils pourraient représenter en tant qu’agents de lutte biologique contre les champignons pathogènes des plantes, en particulier en limitant leur virulence.
Les approches couplées de séquençage haut débit et d’analyse bioinformatique révolutionnent la capacité des chercheurs à décrire et à analyser le virome c’est à dire l’ensemble des virus des espèces végétales ou fongiques. De cette connaissance renouvelée des viromes émergent des problématiques nouvelles sur le rôle, bénéfique ou négatif, des agents viraux ainsi découverts, ou sur leur utilisation éventuelle en lutte biologique.
Le virome de la vigne livre ses secrets
En mobilisant des approches performantes qu’elle a développées, et en collaboration avec plusieurs équipes de l’Inra1, de l’Institut français de la vigne (IFV) et avec le soutien du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), l’équipe de virologie de l’Unité mixte de recherche Biologie du fruit et pathologie (UMR BFP) a entrepris une analyse du virome de la vigne et de certains champignons phytopathogènes qui l’attaquent.
Plusieurs espèces virales récemment décrites ont ainsi été identifiées pour la première fois dans des vignes françaises (Grapevine asteroid mosaic-associated virus, Grapevine satellite virus, Grapevine hammerhead viroid-like RNA) ainsi que plusieurs virus ou mycovirus nouveaux (Grapevine virus H, Neofusicoccum luteum fusarivirus 1, Neofusicoccum luteum mitovirus 1). Plusieurs autres virus de vigne ou mycovirus de champignons pathogènes de la vigne sont en cours de caractérisation. Des travaux parallèles conduits à l’étranger révèlent eux aussi une diversité virale insoupçonnée chez la vigne, une espèce pourtant très étudiée et chez laquelle plus de 70 virus ont déjà été décrits.
Des connaissances mobilisées pour renouveler les démarches de protection des plantes
Une vision fortement renouvelée du virome et du mycovirome de vigne (et des autres espèces végétales) est donc en train d’émerger et, avec elle, de nombreuses problématiques en termes de diagnostic, d’étiologie, de stratégie pour la gestion ou l’exploitation des nouveaux agents viraux ainsi identifiés.
La découverte et la caractérisation de ces nouveaux virus de vigne permettent déjà d’envisager le développement de nouveaux tests de diagnostic ou l’optimisation des tests existants. Ces avancées permettront de mieux contrôler la qualité sanitaire du matériel végétal initial diffusé aux pépiniéristes et de mieux sécuriser les échanges internationaux.
À court terme, l’équipe va poursuivre l’effort engagé pour caractériser et décrire les autres nouveaux virus identifiés. Le développement de techniques de détection RT-PCR permettra de commencer à analyser la distribution, la prévalence et la diversité de ces agents, ainsi que leur contribution éventuelle à des syndromes ou désordres physiologiques chez la vigne. S’agissant des mycovirus, une perspective plus lointaine et portée par l’équipe de Marie France Corio-Costet de l’UMR Santé et Agroécologie du vignoble (UMR SAVE) sera d’évaluer si certains des virus identifiés pourraient présenter un intérêt en tant qu’agents de lutte biologique, en particulier en limitant l’agressivité de souches de Botryosphaeriaceae impliquées dans les maladies de dépérissement.
1 – UMR SVQV (Inra Grand Est – Colmar), UMR SAVE (Inra Nouvelle-Aquitaine – Bordeaux), UMR AGAP et Unité expérimentale du Domaine de Vassal(Inra Occitanie – Montpellier).
SOURCE: INRA
Candresse, T., Theil, S., Faure, C., Marais, A. (2017). Determination of the complete genomic sequence of Grapevine virus H, a novel Vitivirus infecting grapevine. Archives of Virology, Online first, doi: 10.1007/s00705-017-3587-7.
Marais, A., Nivault, A., Faure, C., Comont, G., Theil, S., Candresse, T., Corio-Costet, M.F. (2017). Molecular characterization of a novel fusarivirus infecting the plant pathogenic fungus Neofusicoccum luteum. Archives of Virology, accepté pour publication.
Candresse, T., Faure, C., Theil, S., Spilmont, A.-S., Marais, A. (2017). First report of Grapevine hammerhead viroid-like RNA infecting grapevine (Vitis vinifera L.) in France. Plant Disease, First Look. DOI : 10.1094/PDIS-05-17-0716-PDN.
Marais, A., Nivault, A., Faure, C., Theil, S., Comont, G., Candresse, T., Corio-Costet, M.-F. (2017). Determination of the complete genomic sequence of Neofusicoccum luteum mitovirus 1 (NLMV1), a novel mitovirus associated with a phytopathogenic Botryosphaeriaceae. Archives of Virology, 162 (8), 2477-2480.
Candresse, T., Faure, C., Theil, S., Beuve, M., Lemaire, O., Spilmont, M., Marais, A. (2017). First Report of Grapevine asteroid mosaic-associated virus Infecting Grapevine (Vitis vinifera) in France. Plant Disease, 101, 1061.
Candresse, T., Marais, A., Theil, S., Faure, C., Lacombe, T., Boursiquot, J.-M. (2017). Complete Nucleotide Sequence of an Isolate of Grapevine Satellite Virus and Evidence for the Presence of Multimeric Forms in an Infected Grapevine. Genome Announcements, 5 (16), e01703-16.